Conjoncture agricole Hauts-de-France de mars 2020
GRANDES CULTURES
Forte volatilité des cours
Le coronavirus s’invite sur les marchés
En mars, l’expansion de l’épidémie du coronavirus et les mesures de confinement qui en découlent impactent massivement l’économie mondiale. Les conséquences économiques à l’issue de cette situation inédite sont imprévisibles et inquiètent fortement les marchés financiers. Les cours des matières premières, faute de demande, chutent brutalement, entraînant dans leur sillage le cours des céréales. Côté devises, le rouble, corrélé au pétrole, est dévalué, alors que l’euro se raffermit par rapport au dollar américain, un scénario faisant perdre de la compétitivité aux produits européens.
Cependant la volatilité des cours étant élevée, on assiste à une remontée spectaculaire des cours mondiaux du blé dans la dernière décade du mois. Le blé européen suit le mouvement, aidé notamment par une baisse de la parité euro/dollar, mais surtout en réponse à une demande soutenue. Sur la scène internationale de nombreux pays sont aux achats comme la Chine, l’Algérie, la Syrie, la Corée du Sud, la Thaïlande et la zone Afrique occidentale. Sur le marché intérieur, la demande est forte et doit composer avec des difficultés logistiques, autres facteurs de hausse. Au 29 mars l’UE, incluant la Grande Bretagne, a exporté 23,94 millions de tonnes de blé tendre contre 14,28 millions de tonnes l’an passé à la même date.
État des cultures en région. Céréales : Selon FranceAgrimer, au 30 mars 2020, l’état des cultures en région est jugé bon à hauteur de 78 % pour le blé tendre, et de 68 % pour l’orge d’hiver, contre respectivement 72 % et 79 % en début de mois. Les semis d’orge de printemps ont rattrapé leur retard avec une réalisation estimée à 97 % contre 99 % l’an passé à la même période.
POMME DE TERRE
Le secteur de la transformation à l’arrêt
Sur le marché de l’industrie, l’épidémie de coronavirus impacte fortement la campagne en cours. L’activité des unités de transformation est partiellement ou complètement arrêtée, sauf pour les usines qui produisent à destination des GMS et qui connaissent un regain d’activité, afin de répondre à la demande en magasins. Des stocks importants de pommes de terre restent sans débouché. La fin de campagne pourrait être prolongée jusqu’en juillet – août pour écouler des volumes actuellement en stocks. Les plantations de variétés hâtives sont annulées. Les prix chutent fortement et s’affichent sous le coût de production sur le marché à terme à échéance novembre 2020. Le marché intérieur reste très dynamique en lien avec la forte demande des consommateurs. Les cotations sont fermes et haussières sur les bonnes qualités. L’activité à l’export connaît également une demande soutenue, notamment vers les Pays de l’Est, l’Espagne, le Portugal et l’Angleterre.
La livraison de plants pour la prochaine campagne se poursuit et la qualité est au rendez-vous. Les chantiers de plantation débutent dans les parcelles les plus ressuyées. Dans le contexte actuel, l’UNPT incite les producteurs à diminuer leurs surfaces sous contrats. Le contexte exceptionnel de la campagne en cours (campagne de transformation prolongée jusqu’à juillet /août, des plantations de hâtives annulées, des pommes de terre restant sans débouchés, etc ...) aura un fort impact sur la prochaine campagne (2020-21).
VIANDE BOVINE
Un marché perturbé par la pandémie
La filière bovine française fait face à un bouleversement de ses débouchés. Avec les mesures de confinement mises en place dans de nombreux pays de l’Union Européenne, la consommation en restauration hors domicile se reporte sur la consommation des ménages. Les marchés sont perturbés dans la mesure où il ne s’agit pas de la même viande consommée dans les deux cas. En jeunes bovins les cotations se dégradent en mars. Le cours du jeune bovin de catégorie U perd ainsi 11 centimes sur le mois pour repasser sous le niveau des deux dernières années. Les exportations françaises vers l’Italie, l’Allemagne et la Grèce pâtissent des conséquences de la pandémie. En vaches de réforme laitière, les prix connaissent leur hausse saisonnière mais conservent un niveau bas. En vaches allaitantes, le cours peine à se maintenir en mars au niveau de celui de 2019. En fin de mois il s’établit à 3,68€/kg, soit inférieur de 1 % à 2019.
VIANDE PORCINE
Abattages en baisse mais cours toujours soutenus
Bien orienté depuis le début de l’année, le marché porcin doit affronter lui aussi les conséquences de l’épidémie qui affecte les pays européens en mars. En France, le marché intérieur est déstabilisé par les mesures de confinement qui bouleversent les circuits traditionnels, avec la fermeture de certains débouchés et un boom de la consommation à domicile. Le marché se stabilise en fin de mois avec un ralentissement de l’activité des abattoirs, qui permet de réduire l’offre. Le scénario est identique, de façon plus ou moins intense, dans les autres bassins de production européens. Dans ce marché mondial désorganisé, seule la demande chinoise progresse régulièrement, compensant la fermeture de certains marchés nationaux. Le cours du porc progresse cependant en mars avant de fléchir en fin de mois pour s’afficher à 1,73€/kg. Le cours moyen 2020 depuis janvier s’établit à 1,71€/kg, soit supérieur de 25 % à celui de 2019 sur la même période. Sur le mois de février, l’activité d’abattage en région est en baisse par rapport à février 2019. On dénombre 6300 porcs charcutiers en moins, soit une baisse de 9,2 % en volume.
ENDIVES
Explosion de la demande et envolée des cours
La demande explose à la mi-mars avec un afflux de consommateurs dans les commerces, consécutif aux mesures de confinement. Les produits préemballés comme l’endive sont privilégiés. L’offre est incapable de répondre à cette demande et les prix connaissent une hausse fulgurante, habituellement rencontrée en toute fin de campagne. Le cours s’affiche fin mars presque trois fois supérieur à mars 2019 et à la moyenne quinquennale. Les cadrans belges et bretons connaissent également une poussée de fièvre dans la dernière semaine de mars. L’impact des mesures de confinement sur la main d’œuvre est resté maîtrisé en s’accordant avec une baisse de production.
LAIT
Un risque de surproduction qui plane sur les prix
En mars, avec l’annonce des mesures de confinement, la filière laitière française affronte d’importants bouleversements de ses débouchés. On constate un report de consommation de la restauration hors domicile vers la grande distribution ainsi qu’une diminution des exportations, aboutissant à un ralentissement de la demande. Globalement les acteurs de la filière s’accordent sur le fait qu’une réduction de la production est indispensable pour éviter une chute des cours. Les transformateurs incitent donc les producteurs laitiers à la modération. L’exercice est d’autant moins facile à mettre en œuvre pour les éleveurs qu‘il coïncide avec le pic saisonnier de production laitière et la période de mise à l’herbe. Le niveau de la collecte régionale de lait de vache de février 2020 est supérieur de 7,6 % à celui de février 2019. Il faut préciser que la production laitière de février 2019 subissait les conséquences d’une sécheresse hivernale exceptionnelle et se calculait sur 28 jours et non 29. En février, le prix moyen payé au producteur s’établit à 351 €/1000 litres, en hausse de 1,4 % par rapport à février 2019.
PÊCHE
Baisse de l’activité
Après avoir connu deux mois de météo tempétueuse, l’activité de pêche doit affronter en mars la vague du coronavirus. La tendance est à l’amélioration en première semaine, qui connaît des arrivages corrects et un commerce globalement actif. La situation décline à partir de la deuxième semaine, avec une dégradation progressive de la demande. Les incertitudes liées aux conséquences de l’épidémie entament la confiance des acteurs de la filière et le marché devient attentiste, la demande disparaît et les prix s’orientent nettement à la baisse. La pêche côtière est la plus impactée avec une forte diminution des sorties de bateaux, faute de rentabilité. L’activité de pêche au mois de mars est en baisse de 9 % en volume par rapport à 2019, et de 16 % depuis le début de l’année. Les cours sont également en repli par rapport à la saison dernière, avec une baisse de 25 % en mars et de 11 % en cumul depuis janvier.
MÉTÉOROLOGIE
Dernière décade anticyclonique
Les précipitations sont excédentaires en mars et interviennent principalement durant la première décade du mois. On relève 66 mm et 59 mm respectivement à Lille-Lesquin et Amiens-Glisy, soit une hauteur de pluie supérieure de +14 % et +53 % par rapport aux normales. Un temps sec s’installe à compter du 20 mars.
Les températures moyennes mensuelles sont proches des normales. La douceur est présente dans la première décade alors qu’un net rafraîchissement intervient dans la dernière décade à la faveur de conditions anticycloniques. On compte durant cette période 2 jours de faibles gelées à Lille-Lesquin contre 5 jours de gelées plus intenses à Amiens.
CARTE DU MOIS
Les destinations du blé français (campagne 2018-2019)
Débouchés du blé français dans le monde Récolte 2018/2019 (chiffres FranceAgriMer)
Avec une production dépassant les 39 millions de tonnes pour la campagne 2018-2019 (source Agreste), la production de blé tendre est un fleuron de l’agriculture française. La région Hauts-de-France y figure au premier rang, avec 17 % des surfaces et 20 % de la production. Outre la consommation intérieure (alimentations humaine et animale), les blés français s’exportent dans le cadre d’échanges intracommunautaires, mais également à destination de Pays tiers à l’Union européenne (UE). Ainsi, selon les sources Douanes françaises et Reuters, un peu plus de 17 millions de tonnes de blé tendre français, soient environ 43 % de la production totale ont été vendus hors de nos frontières. Les échanges vers les Etats membres de l’UE ont représenté plus de 7,3 millions de tonnes, avec aux premiers rangs la Belgique et les Pays-Bas. Les exportations vers les Pays tiers ont totalisé pratiquement 9,7 millions de tonnes. Les Pays qui accordent le plus de faveur au blé français étant l’Algérie, pour plus de 5,1 millions de tonnes, le Maroc, pour presque 1,3 millions de tonnes et l’Egypte, pour quasiment 500 000 tonnes. Les volumes exportés lors de la campagne 2019-2020 dépasseront largement ceux de la campagne précédente. De plus, afin de diversifier les destinations et d’assurer la plus grande résilience à la filière, dans un marché soumis à une certaine volatilité, la prospection vers les nouveaux marchés constitue l’un des axes de travail des professionnels du blé français. A titre d’exemple, l’émergence d’une demande dans les Pays d’Asie du Sud-Est (ASEAN) conduit les opérateurs à mettre en avant les atouts qualitatifs des blés français et leurs garanties sanitaires, quand le prix peut parfois s’avérer une faiblesse, face à des concurrents d’autres continents.