Le contrôle des organismes de quarantaine de la pomme de terre en Hauts-de-France

Les enjeux sanitaires sont forts sur la filière pomme de terre : il s’agit de préserver le statut phytosanitaire français, au regard des impacts économiques importants sur l’ensemble de la filière (du plant de pommes de terre jusqu’aux pommes de terre de consommation/transformation) en cas de présence d’organismes nuisibles réglementés. La préservation du statut phytosanitaire français est un enjeu important pour l’ensemble de la filière notamment dans le cadre de l’export vers les pays tiers.

I) Les principaux organismes de quarantaine de la pomme de terre suivis par le SRAL :

Les parasites présentés ci-dessous sont des organismes de quarantaine pour lesquels la dissémination est interdite et la lutte obligatoire sur l’ensemble du territoire européen. Aucun de ces organismes nuisibles n’a d’impact sur la santé humaine mais tous ont un impact économique important, via la baisse de rendement sur les cultures contaminées. Il n’existe pas de lutte économiquement efficace contre ces organismes.
Lorsque l’un de ces organismes nuisibles est détecté, des mesures sont prises, d’une part sur les lots contaminés qui doivent être décontaminés ou détruits, d’autre part sur les parcelles concernées jusqu’à ce que l’organisme nuisible ne soit plus détecté.

a) Les nématodes à kystes de la pomme de terre

 Description du parasite :
Les nématodes à kystes de la pomme de terre, Globodera pallida ou Globodera rostochiensis, sont des vers microscopiques présents dans la terre qui s’alimentent grâce aux pommes de terre. Particulièrement sédentaires, ils sont véhiculés par la terre (via le matériel agricole par exemple, les tubercules ou racines de végétaux ou encore par les échanges de terre). Le nématode peut résister de nombreuses années dans le sol, grâce à sa forme enkystée.

 Mesures à mettre en œuvre en cas de contamination :
L’arrêté du 28 juin 2010 décrit les mesures à mettre en œuvre en cas de contamination par ces nématodes. Un lot de pommes de terre considéré comme contaminé doit faire l’objet d’une gestion adéquate, visant à éradiquer le danger. L’article 13 prévoit notamment la destruction du lot contaminé. Des dérogations peuvent être mises en place (article 14) : un protocole de lavage dans les exploitations agricoles a été validé par la DGAL, ce qui permet d’assainir les lots de pommes de terre contaminées et de pouvoir ainsi les commercialiser sous certaines conditions. Les pommes de terre déclarées contaminées peuvent également être destinées à la transformation industrielle ou au triage, dans des entreprises de transformation ou de triage disposant de procédures d’élimination des déchets appropriées autorisées par le SRAL, à condition qu’il n’y ait pas de risque de dissémination de nématodes à kystes de la pomme de terre.

Par ailleurs, l’article 11 de l’arrêté pré-cité prévoit la mise en place de mesure de gestion de la parcelle contaminée afin d’empêcher la dissémination de ces nématodes. A savoir notamment :
 absence d’emblavement en pommes de terre pendant 6 ans minimum et destruction des repousses de PDT sur la zone contaminée.
 par dérogation, des pommes de terre de variété résistante peuvent être emblavées sur la parcelle dès l’année suivante (si pas de pommes de terre depuis 3 ans), après avis du SRAL. Ces pommes de terre doivent cependant être décontaminées pour être commercialisées.

 Distribution en Hauts-de-France :
En Hauts-de-France, la zone des Flandres (entre Lille et Dunkerque) est connue comme étant particulièrement contaminée par Globodera sp., environ cinquante foyers sont en cours de gestion depuis 2010 et chaque année, de nouveaux foyers sont découverts.

b) Nématodes à galles :

 Description du parasite :
Les nématodes à galles, Meloïdogyne fallax et Meloïdogyne chitwoodi, sont des nématodes polyphages qui s’attaquent à la plupart des cultures (bulbes, tubercules, racines, céréales, etc.). Ces vers microscopiques, particulièrement sédentaires, sont véhiculés par la terre (via le matériel agricole par exemple ou par le transport de terre). Ce nématode est particulièrement résistant et le sol conserve son potentiel infectieux pendant l’hiver ou pendant une mise en repos du sol.

 Mesures à mettre en œuvre en cas de contamination :
L’arrêté du 4 février 2016 décrit les mesures à mettre en œuvre en cas de contamination par ces nématodes.
Dans un premier temps, une jachère noire est ordonnée pendant un an minimum. La parcelle doit donc rester vierge de toute culture et maintenue exempte d’adventices ou de repousses des précédents culturaux.
Après une année de lutte, des prélèvements en vue d’analyse officielle sont réalisés sur la zone contaminée. En fonction du niveau de détection de Meloidogyne, la méthode de lutte peut évoluer. L’arrêté prévoit plusieurs possibilités en fonction du nombre de larves détectées lors de l’analyse. Dans les faits, dans l’attente de la publication d’une note de service de la DGAL, deux cas se présentent :
 soit le nombre de larve détectée est nul : la remise en culture des parcelles est autorisée avec toutes cultures autres que des plantes tubercules, bulbes ou racines, du maïs ou de la luzerne,
 soit des larves sont présentes : une nouvelle année de jachère noire est mise en place.
Chaque année des analyses sont réalisées. Lorsque la surveillance réalisée au moyen d’analyses officielles montre l’absence de détection de Meloidogyne pendant trois périodes successives de lutte dans une zone contaminée, cette zone peut être reconnue indemne et les mesures de gestion sur cette zone sont levées.

 Distribution en Hauts-de-France :
Un foyer est en cours de gestion dans la région de Sissonne dans l’Aisne. Ce foyer concerne actuellement 7 exploitations sur une centaine d’ha (plein champs).
Un foyer est en cours de gestion sur une exploitation dans le Nord à Hoymille (sous serre).

c) Les bactéries Ralstonia solanacearum et Clavibacter michiganensis subsp. sepedonicus

 Description du parasite :
Il s’agit respectivement de la bactérie responsable de la pourriture brune et du flétrissement bactérien.
Ralstonia solanacearum est une bactérie polyphage qui s’attaque notamment aux solanacées dont les tomates et la pomme de terre. Elle est relativement résistante et peut survivre plusieurs années dans le sol.
Clavibacter michiganensis subsp. Sepedonicus est une bactérie qui s’attaque préférentiellement à la pomme de terre.

 Mesures à mettre en œuvre en cas de contamination :
Les arrêtés de lutte du 11 février 1999 et du 6 décembre 1999 précisent les modalités de lutte contre ces bactéries. La note de service N2007-8194 récapitule l’ensemble des mesures relatives à la lutte contre ces deux parasites.

 Distribution en Hauts-de-France :
Aucun foyer n’est en cours en Hauts-de-France. La bactérie Ralstonia a été détectée dans des cours d’eau sur des morelles douces amères en août 2018 sur deux communes du Nord mais le laboratoire n’a pas réussi à isoler les souches. Cela ne constitue donc pas un foyer au sens de la directive européenne. Cependant, la surveillance 2018 est accrue sur cette zone dans le cadre du plan de surveillance vis-à-vis des pommes de terre consommation (cf. voir infra).

II) Les contrôles des ONR de la PDT :

Le SRAL réalise chaque année un certain nombre d’inspections ou de prélèvements dans le cadre de la recherche des organismes de quarantaine de la pomme de terre (sur terre, sur tubercules de pommes de terre de consommation/transformation ou sur plants de pommes de terre). L’objectif de cette surveillance est d’avoir une connaissance satisfaisante de la situation phytosanitaire du territoire vis-à-vis de ces organismes nuisibles, soit en s’assurant que le territoire est toujours indemne de certains parasites et, ainsi, de pouvoir le justifier à l’international, soit de détecter précocément toute infestation par un organisme de quarantaine, dans le but d’en assurer l’éradication, ou à minima, de contenir la contamination.
Les inspections sont réalisées, soit directement par les inspecteurs du SRAL, soit par délégation par les inspecteurs de FREDON Hauts-de-France.

a) Le plan de surveillance « pommes de terre de consommation ou transformation » :
Chaque année, des prélèvements de terre sont réalisés sur l’ensemble du territoire des Hauts-de-France pour recherche de Globodera sur des parcelles qui devraient être emblavées l’année suivante en pommes de terre.
En parallèle, des prélèvements de tubercules sont également réalisés pour recherche des bactéries de quarantaine (Ralstonia/Clavibacter) et des Meloïdogyne pour une partie d’entre eux.
Ces prélèvements sont réalisés chez des producteurs sélectionnés de manière aléatoire sur l’ensemble des producteurs de pommes de terre des Hauts-de-France. Pour le département du Nord, une pression plus forte est tout de même mise sur la zone des Flandres de part son statut sanitaire vis-à-vis de Globodera.

Dans certains cas, il arrive que les pommes de terre ne puissent pas être prélevées (départ champs directement vers l’entreprise de transformation, producteur belge qui stocke les pommes de terre en Belgique, etc.). Lorsque cette situation se produit (même si les producteurs sont invités dans ce cas à nous informer du jour de la récolte pour que nous puissions, soit réaliser le prélèvement lors de l’arrachage, soit réaliser le prélèvement en amont lorsque les pommes de terre sont encore en culture), des prélèvements de terre sont réalisés sur la parcelle qui était emblavée en pommes de terre pour compenser.

Par ailleurs, des prélèvements d’eau et des prélèvements de morelles douces amères sont réalisés chaque année dans des cours d’eau pour recherche de la bacterie Ralstonia. Les zones de prélèvements sont selectionnées suite à une analyse de risques (présence de sites à risques à proximité, résultats des prélèvements de la campagne précédente, etc.).

b) Le plan de surveillance « Meloidogyne »
Chaque année, des prélèvements de terre sont réalisés dans les parcelles d’autant d’exploitations pour recherche des nématodes Meloïdogyne chitwoodi et fallax. Au regard du caractère polyphage de ces nématodes, les exploitations sont sélectionnées de manière aléatoire parmi les producteurs de betteraves, oignons, choux, chicorées, endives, carottes, salsifis ou autres plantes de type « bulbes, tubercules, racines ».

c) Les plants de PDT :
Les actions de contrôles relatives à la délivrance du Passeport Phytosanitaire européen (PP) des plants de PDT sont réalisées par SEMAE (anciennement GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants)). Toutes les parcelles destinées à être emblavées en plants de PDT sont testées au préalable vis-à-vis de Globodera. Par ailleurs, les plants de PDT récoltés sont également analysés vis-à-vis des Meloïdogyne et des bactéries Ralstonia et Clavibacter.

d) L’export de PDT vers pays tiers
Au préalable à tout export de pommes de terre vers un pays tiers, une analyse des tubercules vis-à-vis des nématodes Globodera est nécessaire pour chaque lot (un lot = 250T de pommes de terre d’une parcelle d’un exploitant). Plusieurs centaines de prélèvements sont ainsi réalisés chaque année en Hauts-de-France.

e) Les introductions de pommes de terre (introUE) :

Tout lot de pommes de terre (consommation ou plant) originaire des Pays-Bas, du Danemark, de l’Allemagne et de Pologne fait l’objet de mesures particulières pour sa circulation en France. L’arrêté du 3 janvier 2005 prévoit l’obligation de déclaration d’introduction de ces lots ainsi que leur mise à disposition en vue de la réalisation d’un prélèvement pour analyse (Globodera/Meloïdogyne/Clavibacter/Ralstonia).
Une note de service prévoit que chaque année 5 % des lots introduits et déclarés soient prélevés pour analyses vis-à-vis des bactéries. Par ailleurs, des analyses pour recherche des nématodes (Globodera et Meloïdogyne) doivent être réalisées chaque année en Hauts-de-France.
Ces mesures ont été prises pour prévenir l’introduction des organismes nuisibles réglementés en provenance de ces 4 pays de l’UE déclarés contaminés par ces organismes.
La sélection des lots à prélever se fait sur la base d’une analyse de risques des lots déclarés par les introducteurs.

f) Les plants fermiers
Un accord interprofessionnel « plant fermier » (signé pour la première fois en 2014 puis reconduit en 2017) étendu par arrêté rappelle les exigences phytosanitaires à respecter pour cette production. Cet accord comporte deux volets : un volet droits d’obtenteur (variétés protégées par un certificat d’obtention végétale) et un volet sanitaire (la production de plants de ferme est soumise à la détection de certains organismes nuisibles dont notamment Globodera, Ralstonia et Clavibacter).

NB : on entend par « plant fermier » la récolte de pommes de terre obtenue par un agriculteur à des fins d’autoproduction de plants. La récolte ainsi obtenue est à utiliser uniquement sur son exploitation et le nombre de génération est limité à une seule génération. Aussi, le plant fermier est toujours produit à partir de plant certifié.

Depuis 2016, le contrôle de l’origine des plants de PDT utilisés par les producteurs a été mis en place pour s’assurer soit que les plants emblavés sont des plants certifiés, soit que si les plants emblavés sont des plants fermiers, les analyses nécessaires ont bien été réalisées.
En Hauts-de-France, 88 exploitations sont concernées chaque année. La sélection des exploitants à contrôler est actuellement aléatoire mais pourrait être orientée en fonction de critères à déterminer.

g) Le réseau d’épidémiosurveillance :
Des réflexions sont en cours pour s’appuyer sur le réseau d’observateurs du BSV pour la détection des organismes nuisibles de la pomme de terre. A ce stade, cela n’est pas réalisé et cette piste ne pourra être mise en place que si les professionnels sont moteurs et convaincus sur le sujet.


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